Métiers de chevaux  

Rando cheval 5 jours

  Je suis cheval de guide, je ne l’ai pas toujours été.

Dans mes jeunes années, j’ai appris à être cheval de gardian. Et puis, les hasards du commerce et du marché du travail, je me suis retrouvé cheval de club. Pas longtemps. J’ai pas trop aimé ça. C’était pas un boulot pour moi. Il faut être patient pour être cheval de club. Il faut pas trop se formaliser, et surtout, il faut pas être claustro ni rêver de grands espaces. J’essayais bien de m’occuper pour me distraire mais ça plaisait pas tellement à la patronne, surtout quand j’essayais de me distraire au milieu du manège. Vous voyez ce que je veux dire, peut-être. Bon pour finir, elle a tenté de me trouver un job plus en adéquation avec mon caractère et elle s’est souvenue qu’elle connaissait un gars dans la montagne qui avait fait le pari de gagner sa vie et de nourrir ses chevaux en emmenant des gens galoper dans la neige (sauf quand il n’y avait pas de neige), regarder les petites fleurs, admirer les sommets, les lacs, tout ça à dos de canasson. Un original, un gars qui me ressemblait, en fait.

 Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite compris que ça allait coller. Lui, il est persuadé qu’il m’a choisi, quand il est arrivé dans ce pré où j’étais en train d’attendre de faire quelque chose de ma vie.  Grossière erreur ! c’est moi qui l’ai choisi parce qu’il faut pas laisser passer sa chance quand elle se présente. C’était mon boss, c’était il y a 15 ans, et on est toujours ensemble : Je suis devenu cheval de guide.

Cheval de guide, c’est la qualification supplémentaire du cheval de randonnée. Cheval de rando, c’est un métier. (Cheval de club aussi, d’ailleurs.) Et comme tous les métiers, ça s’apprend.

Un cheval de rando n’a pas besoin de savoir comment faire les pirouettes (moi je sais) ni les appuyers, ni les piaffers, ni les changements de pied au temps parce que tout ça, en rando, ça sert à rien. Un cheval de rando, par contre, il sait passer des rond-points, traverser des rivières et des voies ferrées, franchir les ponts au-dessus de l’autoroute, emprunter des tunnels, monter des escaliers, longer des ravins, marcher sur tous les sols sans trébucher ni s’emmêler les pattes. Un cheval de rando n’a pas peur des chiens, des vélos, des semi-remorques ni des klaxons. Un cheval de rando n’a pas besoin que son cavalier lui dise sur quel pied partir au galop, et même ça l’agace, parce qu’il le sait mieux que lui. Il sait comment s’équilibrer tout seul comme un grand, sans que vous fassiez tout un tas de chichis avec votre contact et votre poids du corps. Il sait engager et se rassembler tout seul en cas de besoin, mais il ne le fera pas pour vous faire plaisir, il le fera parce qu’il en a besoin pour faire son boulot.

Et le cheval de guide, en plus, il connait les passages, il montre l’exemple (la plupart du temps), il veille à l’allure, il surveille devant, il rassure les autres.

 Moi, travailler comme ça, ça me va.