Je m’appelle Monsieur Marcel, je suis cheval de guide

Le guide, c’est Didier, mon boss. Je travaille avec lui depuis de nombreuses années. Maintenant, mon boss a décidé que j’avais le droit d’être en préretraite. C’est pas que ça me dérange de ne rien faire mais bon, quand je le vois partir à la tête du troupeau, juché sur ce grand frimeur de Vasco je trouve qu’ils exagèrent un peu… Il ne faudrait quand même pas oublier qu’avant d’être avec nous, Vasco était un citadin! Quand il est arrivé, il a commencé par faire le malin, il dansait et caracolait au milieu du pré. Uiyaka et Un l’ont observé pendant une nuit entière, sans bouger, attentifs. Moi, j’en riais dans ma barbe mais sans le montrer parce que je n’aime pas les histoires. Au petit matin, Bonnie and Clyde ont expliqué à Vasco qui c’est qui commande ici.

Mais ça a changé depuis, Uiyaka est partie en vadrouille avec Isa pendant quelques jours et Vasco en a profité pour prendre le dessus, Un a bien tenté de coucher les oreilles autant qu’il a pu avec son air revêche qu’il réserve aux grandes occasions, mais bon, depuis, c’est quand même Vasco le chef du troupeau. Et voilà que mon boss lui demande de guider avec lui… Enfin c’est comme ça!

Heureusement que moi aussi je guide encore, j’en profite pour lui montrer que je ne suis pas fatigué du tout, que je suis toujours en pleine forme, que je suis le meilleur pour marcher d’un pas énergique devant les autres. Je connais quand même tous les chemins du Lubéron, sans oublier ceux du Jura ! De jour, de nuit, sous le soleil, sous la neige ou sous la pluie, j’en ai fait des kilomètres, tous les autres derrière, et moi devant… (Enfin, sauf quand il y a Uiyaka… celle-ci je vous en parlerai une autre fois.) Je connais chaque arbre, chaque brin d’herbe, chaque caillou. Je repère immédiatement quand ils ont changé de place et j’avertis en faisant demi-tour sans prévenir. Ça ne plaît pas trop à mon boss, d’ailleurs. Mais enfin, il faut bien que je l’avertisse du danger, tout de même c’est mon travail ! Et je m’excuse, mais un caillou qui change de place tout seul, ce n’est pas très normal, il faudrait que mon boss le comprenne. Je suis sûr que ce grand frimeur de Vasco ne fait pas demi-tour aussi bien que moi.

Un hiver, Isa, qui, il faut croire, cherchait à s’occuper, s’est mis en tête de m’apprendre à faire des rollbacks. Vous savez, les trucs des quarters. Ça m’a rappelé mes souvenirs de jeunesse en Camargue. Je lui ai montré comment on les fait chez nous et je crois qu’elle a bien aimé…

Parce que j’ai oublié de vous dire, je suis né en Camargue, aux Saintes maries de la Mer, il y a longtemps. Mon boss dit que j’ai 22 ans. Dans son langage, ça veut dire beaucoup d’hivers, beaucoup de printemps, beaucoup d’expérience, beaucoup de randos sur les chemins, beaucoup de galops, beaucoup de connaissances, et aussi un peu de sagesse. Dans mon langage à moi, ça ne veut pas dire grand-chose et ça n’a pas beaucoup d’importance. Je suis toujours aussi content quand je pars sur les chemins, je me sens fort et plein d’énergie, j’adore toujours autant galoper, j’aime arriver à l’étape, et, par-dessus tout, j’aime bien être dans ce troupeau de petits Camargues qui me ressemblent. Je me sens toujours, ici dans le Luberon, le même que quand j’étais petit, dans les marais de Camargue.